Matthias Sindelar
Matthias Sindelar
Matěj Šindelář
Né le 10 février 1903 à Kozlau (AUT-HON)
Décédé le 23 janvier 1939 à Vienne (AUT)
Surnoms: Le Mozart du football, l'homme de papier, le Tourbillon viennois
(Matchs amicaux: 28 sélections, 17 buts)
(Qualif Coupe du Monde: 1 sélection, 1 but)
(Coupe du Monde: 3 sélections, 1 but)
(Coupe Internationale: 11 sélections, 7 buts)
1ère sélection : le 28 septembre 1926 contre la Tchécoslovaquie (2-1)
Dernière sélection : le 19 septembre 1937 contre la Suisse (4-3)
1918/24 Hertha Vienne (AUT)
1924/38 Austria Vienne (AUT)
Considéré comme le plus grand joueur autrichien de l'histoire, Mathias Sindelar était un des virtuoses du foot en ces temps troubles des années 1930. Il ne jouait pas au football comme tout un chacun. Il était un artiste, un esthète et un footballeur inégalable au jeu novateur et élégant. Malheureusement, il a pratiqué le football à l'heure de la percée des régimes fascistes. Il aurait même refusé l’Anschluss sportif décrété par le régime nazi qui contraignait les meilleurs joueurs à évoluer désormais sous les couleurs du Reich. La montée en puissance du nazisme et ses ravages ont atteint Sindelar, dans sa chair mais pas dans son âme ni dans son jeu. Une icône née d'un mélange de faits et de fables, comme bien souvent.
L'homme de papier
Ce gringalet avec sa tête de bambin était un avant-centre selon les conceptions d'alors, le créateur du poste de faux avant-centre reculé, très doué techniquement, fantastique dribbleur, précis face au but et doté d'un instinct de tueur. Avantagé d'une agilité qui faisait rompre les chevilles de ses vis-à-vis, sa capacité à se glisser facilement dans les défenses adverses était exceptionnelle. Né en 1903 dans une famille juive extrêmement pauvre à Kozlau, en Moravie, ce fils de maçon venu chercher du boulot dans le quartier ouvrier de Favoriten commence à jouer au football dans les rues de Vienne avec des chutes de tissus cousues en forme de ballon, en parallèle de ses études de serrurier. Repéré par son instituteur à l'âge de 15 ans, qui l'accompagne d'ailleurs par la suite à chaque instant important de sa vie, le petit Matěj devenu Matthias rejoint l'ASV Hertha et évolue pour la première fois au sein d'une équipe digne de ce nom. Une fois de plus, ses performances ne laissent personne indifférente. Impressionné par son habileté balle au pied, son coach l'intègre à l'équipe première deux ans plus tard. Dès ses premières apparitions en championnat, Sindelar trouve le chemin des filets à plusieurs reprises. Moins d'un an après ses grands débuts, il s'impose déjà comme un titulaire à part entière au sein de son club. Mais en 1924, il doit quitter le Hertha, relégué en deuxième division et en proie à de graves difficultés financières, poussant les dirigeants à vendre leurs meilleurs éléments. "Der papierene" ("l’homme de papier") souhaite rester à Vienne et rejoint donc l'équipe amateur qui a justement remporté la dernière édition du championnat. Après une période d'adaptation un peu plus longue que prévu, celui qui côtoie les cercles ouvriers et les cafés peuplés d’intellectuels finit par se tailler une place à part dans le cœur du public. En 1925, il termine second du championnat et remporte son premier titre, la Coupe d'Autriche. La saison suivante, il réussit le doublé. Mais au-delà de ses résultats brillants en club, c’est son parcours en équipe nationale qui va permettre à Sindelar d’entrer définitivement dans la légende.
Le Mozart du football
Ses débuts internationaux en 1926 sont tonitruants, après ce but face à sa région natale, la Tchécoslovaquie, il en marquera trois autres face à la Suisse (7 buts à 1) puis la Suède (3 buts à 1). La suite va être un peu plus compliquée, ainsi fin 1928 le virtuose est écarté de l’équipe par Hugo Meisl, motif: son style, disons-le, personnel, ne convenait pas à ses coéquipiers. De plus, le petit blond ne marquait plus. Sindelar manque alors quatorze rencontres consécutives mais fait son retour avec l'Autriche au bout de trois ans, en 1931, participant à la victoire historique (5 buts 0) face à une Écosse ultra-favorite, jusqu'alors invaincue sur le continent européen. Ce résultat marque le début d'une série incroyable de succès et la naissance de la légendaire "Wunderteam" ("la merveilleuse équipe"), dont on a oublié à quel point elle impressionnait à l’époque. En effet, elle écrase tout sur son passage: onze buts en deux matchs à l’Allemagne, huit buts passés à la Suisse et la Hongrie, victoires contre l’Italie, la Suède et la France. Elle se présente alors en favori pour la Coupe du Monde 1934. Mais Sindelar et ses camarades reçoivent leur première gifle politique. Mussolini truque le tournoi. Lors de la demi-finale contre l'Italie, la Wunderteam se voit refuser plusieurs buts. Impuissante, elle s'incline par la plus petite des marges, 1 but à 0, but inscrit par Giuseppe Meazza. La Squadra lui avait réservé un traitement si rugueux qu’il était encore sur le flan lors de la petite finale perdue face à l'Allemagne (défaite 3 buts à 2). Au cours des années suivantes, Sindelar poursuit sa progression, même si son club ne parvient plus à jouer les premiers rôles. À l'exception de deux nouvelles coupes d'Autriche, remportées en 1927 et 1930, et deux coupes Mitropa (en 1933 et 1936), l'Austria de Vienne ne gagne plus rien. Pire encore, l'équipe se retrouve menacée de relégation. Dans ce marasme sportif, Sindelar reste le seul à tirer son épingle du jeu. Celui qu'on surnomme rapidement le "Mozart du football" grâce à son efficacité et son talent naturel font de lui l'un des joueurs les plus appréciés de la capitale.
Photo: ©Ullstein Bild
Le footballeur qui a résisté aux nazis
Puis l'Allemagne nazie envahit l'Autriche. Sindelar refuse de jouer pour l’équipe du IIIème Reich nouvellement formée et désirée par le Führer pour la Coupe du Monde 1938 en prétextant son âge et sa blessure vieille de quinze ans au genou droit! Il devient, peut-être sans le vouloir, le symbole du refus de l’annexion nazie, notamment en inscrivant un but, sous les yeux d’Hitler, contre la Mannschaft lors du match censé signifier la réconciliation des deux peuples. Le match devait se solder par un 0-0 contentant tout le monde. Pire, pour fêter sa réalisation, dans un silence de cathédrale, Sindelar va effectuer une danse de célébration devant la tribune des dignitaires nazis! Ses faits d’armes et cette humiliation irritent fortement les nouveaux maîtres du pays. Mais la grande popularité de Sindelar les empêchent d’agir. Car le maestro, en plus d’être un grand joueur, a été l’une des premières stars du football mondial: des vêtements, des montres et des ballons portent son nom, il fait de la publicité pour des produits laitiers et a même joué son propre rôle dans "Roxy und ihr wunderteam", en 1937. Face au climat de plus en plus délétère, Sindelar se retire peu à peu du football et joue de moins en moins. Il dispute son dernier match avec l'Austria le 26 décembre 1938, comme un dernier pied de nez, il marque 2 buts face au Hertha Berlin, club de la capitale du Reich. Il rachète ensuite un bistrot à son ami Léopold Drill à un juste prix, alors que celui-ci aurait pu être exproprié sans argent. Pourtant là encore, il refuse que l’on appose une affiche "Interdit aux non-aryens" sur la devanture de son café, ce qui était déjà très risqué avec la gestapo aux trousses. Il permettait aux tziganes, aussi persécutés par les nazis, de venir jouer de la musique dans son bar. Les juifs pouvaient ainsi entrer et consommer. C’était le seul café de Vienne dans ce cas-là. Malgré les interdictions, il continuait à fréquenter les anciens dirigeants juifs après qu’ils aient été déchus par le régime nazi tout en le revendiquant ouvertement, y compris face aux officiers. Comme lorsqu’il déclare à Schwarz, l’ancien président juif de l'Austria, renvoyé après l'Anschluss et remplacé par un nazi: "Le nouveau président du club nous a interdit de vous saluer. Mais je vous saluerai toujours Monsieur." Cela faisait beaucoup.
La fin tragique du mythe
Et le pire arriva. Le 29 janvier 1939, on retrouve son corps inanimé avec celui de sa conquête d'un soir Camilla. Accident, double suicide, double assassinat? Officiellement leurs décès est imputé à un suicide au monoxyde de carbone à cause d'une cheminée défectueuse mais une autre thèse semble privilégier un double assassinat mené par la Gestapo du fait de l’engagement antinazi et des origines juives de Matthias Sindelar. Des circonstances mystérieuses qui ont renforcé le mythe. C’est d’autant plus fort qu’à la même époque, de grands clubs étrangers comme Manchester UTD lui ont offert des ponts d’or qui lui auraient permis de quitter Vienne et de se mettre en sécurité vis-à-vis des nazis. Mais l’enfant chéri de la presse autrichienne, peut-être aussi par la vie dissolue qu’il menait, était attaché à cette Vienne solidaire et cosmopolite, à la richesse des relations humaines bâtie au cours des années qu'il ne s’imaginait pas déserter. Adoré de son vivant, Sindelar est autant honoré après sa mort. Cinq jours après son décès, près de 15 000 personnes suivent le cortège dans les rues de Vienne de ce musicien des pelouses vers sa dernière demeure: symbole du football en tant qu’art sportif, génie du ballon au faible physique mais au talent mis au service des couleurs de son pays d’accueil, star restée humble même après avoir fait rêver tant de fans. Ce jour-là, l’Autriche enterrait non seulement le meilleur footballeur de son histoire, mais elle perdait également le symbole de cette "Wunderteam" qui l’avait tant fait rêver. Un symbole qui avait vu son destin sportif brisé par le fascisme italien de Mussolini et son destin personnel, peut être, brisé par le nazisme du Reich. Un astre avant le désastre. Sindelar, disparu en même temps que l'âge d'or du foot autrichien, s’ajoute à la longue liste des victimes de cette période trouble de l’Europe, qui, quelques semaines plus tard, allait déboucher sur le conflit le plus meurtrier de notre Histoire. À défaut de s'approprier son talent, les agents d'Hitler ont-il choisi de faire disparaître un emblème? C'est possible, mais leur action a échoué: à l'anniversaire de sa disparition, chaque année le 29 janvier, des anciens joueurs de football mais aussi de nombreuses personnes se recueillent sur sa tombe au cimetière central de Vienne, pour honorer la mémoire du plus grand sportif autrichien du 20ème siècle.
PALMARÈS
4ème de la Coupe du Monde en 1934 (Autriche)
Vainqueur de la Coupe Internationale en 1931-1932 (Autriche)
Vainqueur de la Coupe Mitropa en 1933 et 1936 (Austria Vienne)
Champion d’Autriche en 1924 et 1926 (Austria Vienne)
Vainqueur de la Coupe d’Autriche en 1924, 1925, 1926, 1933, 1935 et 1936 (Austria Vienne)
Finaliste de la Coupe d’Autriche en 1927 (Austria Vienne)
DISTINCTIONS PERSONNELLES
Élu sportif autrichien du 20ème siècle
Élu 2ème meilleur joueur de la Coupe du Monde en 1934
Nommé dans l'équipe type du tournoi de la Coupe du monde 1934
Meilleur buteur de la Coupe Mitropa en 1933 (5 buts) (Austria Vienne)
SOURCES/RESSOURCES
- "L'homme qui n'est jamais mort" - Olivier Margot
- Matthias Sindelar, en quatre parties sur les Cahiers du football
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