Football-the-story

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Joe Gaetjens, l'étoile filante de Haïti

Joe Gaetjens.jpg
Photo: ©Bettmann Archive

 

Joe Gaetjens

 

Joseph Edouard Gaetjens

Né le 19 mars 1924 à Port-au-Prince (HAI)

Décédé le 10 juillet 1964 à Port-au-Prince (HAI)

Haiti.png Haïtien, Attaquant, 1m78

 

Haiti.png 3 sélections

(Matchs amicaux: 2 sélections)

(Qualif Coupe du Monde: 1 sélection)

 

1ère sélection : le 2 avril 1944 contre Curaçao (0-5)

Dernière sélection : le 27 décembre 1953 contre le Mexique (0-4)

 

 3 sélections, 1 but

(Coupe du Monde: 3 sélections, 1 but)

 

1ère sélection : le 25 juin 1950 contre l'Espagne (1-3)

Dernière sélection : le 2 juillet 1950 contre le Chili (2-5)

 

1942/47 Etoile Haïtienne (HAI)
1947/50 Brookhattan (USA) 64 matchs, 42 buts
1951/52 Racing Club de Paris (FRA) 4 matchs, 2 buts
1952/53 Olympique Alès (FRA) 15 matchs, 2 buts
1953/57 Etoile Haïtienne (HAI)

 

Joe Gaetjens, où comment un Haïtien a permis au petit poucet américain de battre l'ogre anglais. Un destin hors du commun pour cet attaquant qui a marqué l'histoire de la Coupe du Monde, malgré une fin tragique.

Né le 19 mars 1924 dans une famille plutôt aisée à Port-au-Prince, les Gaetjens, d'ascendance allemande, étaient installés dans la capitale d'Haïti grâce à leur grand-père envoyé aux Antilles à des fins commerciales par le Roi François Guillaume III de Prusse. Très jeune, Joe joue bien au football dans la villa familiale malgré ses problèmes d'asthmes. Le prodige se lance et rejoint le club de l’Étoile Haïtienne avec lequel il remporte le championnat national en 1942 et en 1944. Grâce à une bourse d'étude, le gamin part à New-York en 1947 pour étudier la comptabilité à l'université de Columbia. Il y trouve un job à la plonge dans un restaurant allemand de Harlem et continue sa passion pour le ballon rond à Brookhattan, un club de l'Américain Soccer League situé au Nord de Manhattan dont le patron possède une taverne. À cette époque, le soccer était cantonné dans les milieux scolaires et les quartiers d’immigrés. Il était pratiqué par des amateurs et des semi-professionnels sous-payés: Gaetjens gagnait seulement 25$ par match. Mais ses buts, nombreux, attirent le regard des observateurs. Sur les terrains, il fréquente un certain Walter Bahr, de trois ans son cadet, d’origine allemande comme lui. Il vivait et jouait aux Philadelphia Nationals. Il avait participé aux Jeux olympiques de Londres avec la sélection américaine (défaite 9 buts à 0 contre l’Italie dès le premier tour). C’est lui qui avait proposé au sélectionneur de l'époque William Jeffrey, nommé deux semaines avant le début de la Coupe du Monde 1950 à laquelle les Etats-Unis doivent se pointer, de prendre Gaetjens au Brésil. C’était la veille du départ. Mais il y avait encore un obstacle: l'haïtien n’a pas la nationalité. Pour corriger cela, on lui a fait signer une demande de citoyenneté qui fait office de passeport et lui permet de porter le maillot de l’équipe nationale, le temps d'obtenir le sésame à la fin du tournoi. La FIFA reconnaîtra que trois joueurs de l'effectif n'étaient pas éligibles (le belge Joe Maca et l'écossais Ed Mcllvenny en plus de l'haïtien), mais, personne n'ayant porté réserve, la grande histoire a pu se mettre en marche.

 

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Photo: ©Sports Illustrated


Presque toute la sélection était à l’image de Gaetjens: construit à l'improviste et sans préparation. Mais surtout aucun footballeur n'est professionnel. Cinq joueurs étaient originaires de Saint-Louis, Bahr était professeur au lycée la semaine, le portier Frank Borghi était chauffeur de corbillard pour gagner sa vie et vétéran du Débarquement à Omaha. La plupart n’avait jamais joué en équipe nationale. Un seul reporter a pris la peine d’accompagner les joueurs au Brésil: il travaillait évidemment pour un journal de Saint-Louis! Pour débuter le tournoi, les coéquipiers de Gaetjens frôlent l'exploit le 25 juin, à Curitiba. Ils tiennent tête aux Espagnols pendant 80 minutes menant d'un but avant de finalement craquer (défaite 3 buts à 1). Quatre jours plus tard, à Belo Horizonte, les Etats-Unis affrontent les Three Lions dans le stade de l’Indépendance face à une dizaine de milliers de spectateurs officiellement. Une Angleterre sûre d'elle, invincible ou presque, qui reste sur 23 victoires et quatre nuls en 30 rencontres depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Deux semaines plus tôt, en matches de préparation à leur première phase finale de Coupe du Monde, la Perfide Albion plante quatre buts à l'Italie et explose le Portugal 10 buts à 0 à Lisbonne. Chez les bookmakers, la cote des Ricains est à 500 contre 1. Finalement, Joe Gaetjens va passer par là. À la 37ème minute, Bahr envoie un centre-tir sur le côté droit de la surface de réparation. L'attaquant surgit pour propulser le ballon d'une tête plongeante magistrale au fond des filets du portier britannique Bert Williams. À la surprise générale, ça sera l'unique but du match malgré les assauts anglais qui se heurte au gardien des Yanks, bien aidé par ses montants. L’improbable se produit grâce à l’agilité et la ténacité de ce géant d'argile. Les journaux anglais pensent d’abord à une erreur, le New York Times à un canular. Pourtant, l'exploit est bien là. La victoire de la Team USA est surement l'un des plus beaux hold-up dans l'histoire de l'épreuve. L'avant-centre est porté en triomphe par des spectateurs brésiliens, célébré comme un Dieu. Pourtant pas assez pour devenir amerloque, refusant le passeport qu'on lui tend.

Ignoré après le Mondial au pays de l'Oncle Sam, Joe Gaetjens vient effectuer un petit bout de carrière en France, d’abord au Racing Club de Paris puis à Alès, où la légende raconte qu'il exigeait d'avoir une femme dans son lit la vieille des rencontres pour être à 100% sur le terrain. Un passage furtif diminué physiquement par des saignements de nez et des problèmes aux genoux qui poussera l'attaquant à rentrer en Haïti dès 1953, où il est accueilli en héros pour disputer un match de qualif pour la Coupe du Monde 1954 avec les Grenadiers contre le Mexique le 27 décembre (défaite 4 buts à 0). Retraité du foot, la fin de son histoire est surtout dramatique. Bien qu’il ne s’intéresse pas à la politique, celle-ci rattrape le tout nouvel entrepreneur qui tient une laverie dans la capitale haïtienne. Certains membres de sa famille, exilés en République dominicaine, étaient accusés de préparer un coup d’État contre le président François Duvalier. Lorsque ce dernier se proclame président à vie le 7 juillet 1964, à défaut de pouvoir mettre la main sur les proches de Joe, il se rabat sur l’ancien footballeur, qui pensait pouvoir demeurer tranquillement dans son pays. Gaetjens est alors enfermé dans le sinistre "Fort Lanmò" (Fort la Mort) et disparaîtra comme des milliers de ses compatriotes, assassiné par les sinistres Tontons Macoutes du dictateur "Papa Doc". Cette fin tragique dans des circonstances mystérieuses n’effacera pas le souvenir de Joe Gaetjens dans la mémoire collective du peuple américain. En 1976, le joueur est intronisé au sein du Hall of Fame du soccer aux Etats-Unis.


DSITINCTIONS PERSONNELLES

 

Champion d'Haïti en 1942 et 1944 (Étoile Haïtienne)

Finaliste de la Coupe des Etats-Unis en 1948 (Brookhattan)

 

DISTINCTIONS PERSONNELLES

 

Meilleur buteur de l'Americain Soccer League en 1950 (18 buts) (Brookhattan)

Intronisé au National Soccer Hall of Fame en 1976

 

DIVERS

 

- En 2010, son fils Lesly Gaetjens publie une biographie sur sa vie et sa tragédie: "L’Histoire de Joe Gaetjens: Le tir entendu à travers le monde." Son récit est aussi décrit à travers le film réalisé par Dan Anspaugh: "Le match de leur vie" sortie en 2005.



20/04/2022
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