Justin Fashanu
photo: ©EMPICS
Justin Fashanu
Justinus Soni Fashanu
Né le 19 février 1961 à Londres (ANG)
Décédé le 2 mai 1998 à Londres (ANG)
Anglais, Attaquant, 1m85
Surnom: Fash the flash
espoirs: 11 sélections, 5 buts
Justin Fashanu est le premier footballeur noir transféré pour un montant supérieur à un million de livres. Mais il est également l'un des tout premiers sportifs connus à avoir assumé publiquement son homosexualité. Un destin tragique qui est aujourd’hui devenu symbole de la lutte contre l’homophobie dans le football.
Élevé avec son frère John, lui aussi devenu footballeur pro, dans la même famille d'accueil du Norfolk, après la séparation des parents, ce passionné de boxe entre dans le monde du ballon rond à l'âge de 17 ans en signant son premier contrat à Norwich. Attaquant puissant et rapide, l'international espoir inscrit 35 buts à tout juste 20 ans, dont l'un, une reprise extraordinaire en lucarne du mythique gardien de Liverpool Ray Clemence, est élu but de la saison en 1980. Le prodige est alors prêt à devenir la future star du foot anglais. Nottingham Forest, vainqueur du championnat en 1978 et de deux Coupes d’Europe dans la foulée (1979 et 1980), qui doit remplacer Trevor Francis parti à Manchester City, balance un million de livres sur la table pour acheter la pépite. Un transfert record, surtout pour un joueur de couleur. On attend alors beaucoup de cet attaquant très prometteur. Qu’il marque des buts, beaucoup de buts, autant qu’avec les Canaries. Cela va de soi. Mais aussi qu’il devienne un porte parole de la communauté noire, lui, fils d’avocat nigérian et d’une infirmière guyanaise.
Comme de nombreux joueurs noirs à cette époque, Justin souffre du racisme, notamment de la part des supporters de l’équipe adverse qui lui jettent des bananes et l’accueillent régulièrement en imitant le bruit du singe. À ce moment-là, Justin n’a pas encore brisé son tabou. Il lui est difficile de vivre pleinement sa sexualité dans le milieu macho du football. D’autant plus que la presse de caniveau guette de très près la vie des stars du ballon rond. "Une sacrée tapette." C’est ainsi que l'illustre Brian Clough, l’entraîneur du club des Midlands de l’époque, parlait à la presse de son nouveau joueur. Peu après son arrivée à Nottingham, les rumeurs fusent: Fashanu fréquenterait les bars gays de la ville. Clough ne manque pas de l’humilier: "Tu vas où si tu veux du pain? Chez un boulanger, probablement. Et si tu veux une côte d’agneau? Chez le boucher! Alors pourquoi tu vas dans ces clubs de tapettes?" Ambiance.
Les performances de Fashanu souffrent de cette atmosphère délétère. Et malheureusement, les relations avec Clough vont empiré. Mal dans sa peau, il se tourne un temps vers la religion. Devenu "Born Again Christian", son mal-être reprend face à l’impossibilité de conjuguer homosexualité et religion catholique. Sa carrière professionnelle n’est pas plus stable. Après seulement 3 buts en 32 rencontres, il rejoint Southampton en prêt, plante 3 pions en 9 matches avant de signer pour le voisin Notts County, pour seulement 150 000 livres. Il y inscrit 20 réalisations en 64 apparitions. À peine a-t-il signé à Brighton en 1985 qu’il se blesse gravement au genou. Il part alors aux Etats-Unis, là où se trouve les meilleurs spécialistes pour le soigner. Justin s’y plaît et envisage même de s’y établir pour de bon. Après quelques errances dans les ligues mineures du Canada, il finit par revenir au pays en 1988. Triste retour: plus personne ne veut de lui. Aucun club ne veut parier sur ce joueur, à part des petits passages furtifs à Manchester City, West Ham, Leyton Orient et un essai raté à Newcastle. Il joue même pour des clubs amateurs (Southall et Leatherhead).
photo: ©Colorsport
Entre deux rencontres, le fêtard traîne à Londres, cherche de l'argent et emprunte à ses amis ainsi qu'à son frangin désespéré qu'il ne rembourse jamais. Justin finit par trouver la recette: vendre ses histoires à la presse. C'est l'heure d'annoncer son coming-out dans les Tabloïds, en octobre 1990. "I AM GAY" titre alors en gras le journal "The Sun". Il devient alors le premier footballeur professionnel de l'histoire à l’annoncer. Parmi la dizaine de footballeurs homo ou bisexuels de cette époque, aucun n’a suivi son exemple. Cet acte est fortement condamné par la communauté noire, via l’hebdomadaire de référence "The Voice", mais aussi par son propre frère John, qui déclarera peu de temps après à la presse: "Mon frère est un paria." En vérité, il était furieux car il venait de le payer 75 000 livres (100 000 € à l'époque) "pour qu'il la ferme", a-t-il admis dans un documentaire retraçant l'histoire des deux frères. Justin avait encaissé le chèque mais avait quand même vendu sa confession. Il ne se remettra surtout jamais totalement des paroles de son frère.
Après s'être stabilisé à Torquay United fin 1991, il reprend son exil: Suède, Australie, Nouvelle-Zélande. Avant un nouvel envol aux USA, comme entraîneur-joueur cette fois, à Atlanta. En 1998, il se lance même dans une carrière de coach, entraînant l’équipe de Maryland Mania nouvellement formé à Baltimore. C'est la dernière étape du parcours, la plus sombre. Pourtant, il y "était heureux" selon le président du club, AJ Ali. En avril de cette même année, après une soirée arrosée, un adolescent de 17 ans porte plainte contre Fashanu pour agression sexuelles. Interpellé puis relâché, il s’envole pour l’Angleterre au moment où, une nouvelle fois d’après la rumeur, des policiers débarquent chez lui pour l’arrêter. Un mois plus tard, dans un garage abandonné de Fairchild Place situé dans un quartier défavorisé de l'est londonien, il est retrouvé pendu à un câble électrique. Les charges seront finalement abandonnées puisque l’accusation était purement et simplement du chantage. Trop tard... Justin avait fui cette vie qui n’avait été que rejet. De la part de ses parents, qui l’avaient abandonné étant jeune, de la part de son coach Brian Clough, de la part de l’Église dans laquelle il avait retrouvé une certaine stabilité, de la part de la communauté noire et, enfin, de la part de son frère. Il aura manqué d'un réel soutien tout au long de sa vie.
Aujourd'hui, une prise de conscience est peut-être en train de s'amorcer dans le milieu du football. Des équipes entières quittent la pelouse après qu'un joueur reçoive des insultes homophobes de la part d'un rival, des footballeurs reconnus prennent la parole pour que ces discriminations cessent… Mais aucun footballeur de premier plan n'a fait son coming out. Ainsi, le nom de Justin Fashanu doit rester dans les esprits. C'est sa nièce Amal, la fille de John, qui avait neuf ans au moment du suicide de son oncle, qui honore sa mémoire avec la Fondation Justin Fashanu qui lutte contre l'homophobie, le racisme et les troubles mentaux chez les footballeurs. En 2020, le joueur est entré au Hall of Fame. Il figure désormais parmi les plus grandes gloires du football en Angleterre. Comme si le foot britannique voulait laver et racheter sa faute. Celle d'avoir laisse tomber un joueur parce qu'il était homosexuel.
DISTINCTIONS PERSONNELLES
Élu but de la saison du championnat d'Angleterre par la BBC en 1980
Intronisé au Hall of Fame du football anglais en 2020
Intronisé au Hall of Fame de Norwich City
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