Football-the-story

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Mon nom est un geste technique

Mon Nom est un Geste Technique

 

- En ce moment même, n’en doutons pas, dans une favela au Brésil, une ruelle de Bamako ou dans un club de district des Yvelines, un geste inédit se prépare à jaillir; une façon originale de se servir de ses pieds, de ses cuisses, et pourquoi pas de sa tête, voit le jour. Mais pour que ce geste puisse accéder à la postérité, il faut le réussir dans un contexte particulier, à l’occasion d’une finale de Ligue des Champions ou au détour d’un tir au but lors d’une finale d’Euro, avec la victoire d’une nation au bout du pied, autrement chaque auteur d’une de ces actions improbables qui circulent en permanence sur le web pourrait déposer son propre brevet. Ces footballeurs ont donc eu le privilège de donner leur nom à des gestes plus ou moins techniques:

 

Rabah MADJER, La "Madjer"

 

- Nous sommes en 1987. Porto, face au grand Bayern Munich, dispute sa toute première finale de C1. La 77ème minute arrive et les Dragons de Porto, sont menés 1 but à 0. Pas les meilleures conditions pour ajouter son nom à la glorieuse liste des vainqueurs de la Ligue des Champions. Mais ces minutes sont propices à la prouesse footballistique. Elles nous ont offert la volée féerique de Zidane contre Leverkusen en 2002 ou encore celle de Trezeguet en finale de l’Euro face à l’Italie en 2000. Le Bayern va en faire les frais. Juary décale Rabah Madjer qui, à l’arrache, tente une talonnade hasardeuse derrière sa jambe d’appui. L’improvisation est parfaite, le but est somptueux. La technique, l’instinct et le contexte se sont concertés pour déjouer la raison: Rabah vient d’inventer la Madjer. "Ce match là, c’est mon plus grand souvenir. Je marque un but, je donne une passe décisive et je gagne un titre qui reste à vie dans un palmarès. Je n’avais jamais pensé atteindre un jour ce stade." dira-t-il à la FIFA. Parce que oui, pas plus de deux minutes après son geste génial, l'algérien offre le but de la victoire au même Juary. Porto est sacré champion d’Europe, et Madjer est sacré ballon d’or africain la même année, devenant une légende du football algérien.  Aujourd’hui  reprise par beaucoup de joueurs, la “Madjer” s’est démocratisée.

 

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Antonin PANENKA, La "Panenka"

 

- En 1976, l’Euro se déroule en Yougoslavie. En menant 2 buts à 0 après 25 minutes de jeu, les Tchèques, opposés à la RFA sont euphoriques. Mais l’égalisation de Hölznbein à la 89ème minute conduit les équipes en prolongations, puis aux tirs aux buts. Alors que les Tchécoslovaques mènent  4 tirs à 3, Uli Hoeness s’élance et envoie le ballon au-dessus de la cage adverse. Antonin Panenka possède alors le destin de sa nation dans ses pieds. Il se présente face à l’immense gardien allemand, Sepp Maier. Il va parier sur un plongeon anticipé de ce dernier et, en ce sens, il caresse le ballon d’une pichenette aussi astucieuse que surprenante. La Tchécoslovaquie triomphe et lègue au monde du football ce geste génial: la Panenka. Pour certain cette frappe souligne l’audace du tireur, pour d’autres, le but est avant tout d’humilier le gardien. Chacun peut estimer si cette tentative est dictée par la classe ou par l’orgueil de celui qui la tente, voir par une envie machiavélique de mortifier le gardien en allant jusqu’à mettre en jeu sa propre crédibilité. Mais une chose est sure: la rater revient à s’exposer aux pires sarcasmes des commentateurs hilares que nous sommes. Ils sont nombreux à pouvoir en témoigner, de Cantona, qui n’est pas parmi les derniers quand il s’agit de mettre ses pieds au service de la fanfaronnade, à Landreau et sa Landrenka tentée en finale de la Coupe de la Ligue 2004, tous n’ont pas eu la réussite insolente de Zinedine Zidane en finale de la Coupe du Monde 2006 face à l’Italie de Gianluigi Buffon.

 

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Luis ARCONADA, Une "Arconada"

 

- "Faire une arconada ", expression principalement employée en France lorsque le gardien de but se couche sur la balle mais que celle-ci lui glisse sous le corps. Ce terme fait référence au gardien espagnol Luis Arconada, auteur d'une erreur semblable lors de la finale de l'Euro 84 sur un coup franc de Michel Platini. Le ballon glisse entre les mains du gardien espagnol et rentre dans le but. Aujourd'hui, même si c'est plus rare, quand un gardien fait une erreur de main grossière, le nom d'Arconada continue d'être évoqué...

 

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Jean-Pierre PAPIN, La "Papinade"

 

- Pour faire une bonne Papinade, il faut de la magie, de l’impossible, de la grinta et un peu d’insolence, aussi. C’est Alain Pécheral, journaliste à La Provence qui est à l’origine du néologisme. C’est lors du match OM-Niort (1 but à 0) le 6 mai 1988 que Papin fera jaillir l’expression sous la plume du journaliste. Il venait de voir une volée "spectaculaire et parfaite, mais déclenchée hors de toute raison", dira-t-il. Il faut avouer que la Papinade n’a rien de ces gestes orthodoxes qu’on enseigne dans les écoles de football. Elle tient au bonhomme, à l’inspiration et à "cette étonnante relation affective avec le ballon qui permet au joueur de jauger, tel un ordinateur, la trajectoire, la vitesse, le “poids” de l’objet, et de traduire instantanément l’angle de frappe et le dosage de celle-ci " explique Alain Pécheral. Le premier prototype de la Papinade a été réalisé un peu avant, face au Matra Racing, qui s’était soldé par une victoire 2 buts à 0 avec Pascal Olmeta dans les buts. C’était le 20 Décembre 1986, et le joueur avait réservé un joli Papin de Noël à ses adversaires.

 

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René HIGUITA, plus connu sous le nom de "coup du scorpion"

 

- "Il a été si important qu’il m’a rendu plus célèbre que le fait de jouer en sélection, de tirer les coups francs, de dribbler des adversaires jusqu’à l’autre bout du terrain, ou de faire un relooking extrême. Le «Scorpion» m’a laissé une marque indélébile ", raconte Higuita des années après son geste à la revue colombienne Revista Soho. Le 6 septembre 1995 au Stade de Wembley, l’Angleterre et la Colombie s’affrontent lors d’un match amical. Alors que les deux équipes sont encore à 0-0, les Anglais ont le ballon en attaque sur l’aile droite. La balle revient au centre vers le milieu de terrain, Jamie Redknapp reprend sans contrôle avec un centre-tir. La tentative est ratée et n’a rien pour inquiéter “El Loco” (le fou), comme on le surnomme. C’est pourtant le moment où il va choisir d’offrir aux spectateurs le privilège de l’un des gestes les plus inattendus de l’histoire du Football. Higuita recule un peu, saute en arrière et propulse le ballon hors de la surface à l’aide de ses talons: Le coup du scorpion est né. Il avouera qu’à la base, son intention était plutôt de bloquer la balle entre ses chevilles. Mais à l’entrainement, en tentant le geste, René dégage involontairement le ballon avec ses talons et la parade plait beaucoup à ses coéquipiers. "Tout le monde était content, mais j’attendais le moment que m’arrive un ballon en cloche et pas trop puissant, à parfaite hauteur, pour pouvoir le réaliser durant un vrai match. " Et le tir parfait arrive donc ce jour-là, à Wembley. Le geste n’est ni tellement splendide ni décisif, et nul doute qu’aujourd’hui en Europe, celui qui veut imiter Higuita, même en match amical, mettra inéluctablement en péril sa place de titulaire, et en grand danger sa crédibilité aux yeux de ses partenaires. Mais voilà, Higuita s’inscrit parfaitement dans cette tradition de football purement sud-américain qui se veut fantasque et qui sacrifie bien volontiers l’efficacité sur l’autel du spectacle. 17 ans après, pour ceux qui l’aurait raté la première fois, El Loco a de nouveau réalisé son geste pour une chaîne de télévision saoudienne. Le coup du scorpion n’a plus la fraicheur d’autrefois et son auteur a perdu de sa souplesse… Mais qu’importe, avec 68 sélections pour l’équipe nationale, 8 buts inscrits, dont un coup-franc gravé dans les annales, marqué au mythique José Luis Chilavert lors des éliminatoires de la Coupe du Monde 90, et son coup du scorpion, Higuita a inscrit son nom au Panthéon du football. Ni les rides, ni des publicités kitchs au possible pour du jus d’orange, ne lui enlèveront ce privilège.

 

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Johan CRUYFF, le "Cruyff Turn"

 

- Ne cédons pas à la facilité de nous contenter de l’évocation d’un palmarès exceptionnel. Parce que Johan Cruyff, son talent divin, son charisme insensé et ses cheveux longs, à l’image de son comportement rebelle, en perpétuelle contradiction avec certains préceptes de son époque, c’est bien plus que des trophées. C’est cette même personnalité qui l’a mené à exprimer ses opinions politiques vis-à-vis du franquisme et de la dictature argentine lorsque tous ses confrères se complaisaient dans le mutisme. Et c’est cette image libertaire véhiculée par son jeu offensif et spectaculaire, comme par les cigarettes qu’il fumait à la mi-temps, qui ont construit une légende qui n’a rien à envier à celle de Pelé ou Maradona. Alors forcément, Cruyff, c’est bien plus qu’un geste. C’est peut être pour cette raison, et aussi parce que le "Cruyff Turn" est tellement rentré dans les mœurs footballistiques que son nom est franchement tombé aux oubliettes. Une feinte de frappe, un crochet intérieur pour faire passer la balle derrière sa jambe d’appui, et le tour (de magie) est joué! Ce dribble d’attaquant, les joueurs du monde entier l’empruntent désormais tous les week-end au “Hollandais volant”, mais c’est le public du Westfalenstadion de Dortmund qui a eu le privilège d’assister pour la première fois au coup de rein magique de Cruyff, à l’occasion d’un match de poule de la Coupe du monde 1974, face à la Suède… et c’était beau.

 

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Cuauhtémoc BLANCO, la "Cuautemiña"

 

- En France, on appellera ça plutôt un "saut du crapaud" quand, dans un match, un joueur prend la balle entre ses pieds et saute par dessus les défenseurs qui tentent de l’intercepter. Le 13 juin 1998, la sélection mexicaine affronte la Corée du Sud dans le premier match de poule du groupe E. Barré par deux joueurs, Blanco bloque sa balle entre les chevilles et saute à pieds joints par dessus les jambes de ses adversaires. Cette combinaison assez spectaculaire et surtout inédite, réalisée à 5 mètres de la surface de réparation coréenne, a été comme on l’imagine abondamment diffusée et commentée à la télévision. Le joueur aux trois participations à la coupe du monde, est considéré au Mexique comme l’un des footballeurs les plus talentueux et les plus influents du pays. Son coup du crapaud, Cuautemiña ou Blanco Bounce, comme on l’appelle dans d’autres contrées, aura fait tout le reste. Depuis, nombreux sont ceux qui se sont pris à imiter l’ancien joueur du Club America.

 

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GARRINCHA, Le "crochet de Garrincha"

 

-  "O Anjo de Pernas Tordas " ("L’ange aux pieds tordus") comme on le surnommait aura fait oublié ses déboires conjugaux, son addiction à l’alcool et ses blessures récurrentes en menant à lui seul la Selecao au sacre en 1962. Hommage ultime, hormis celui qui lui est rendu par Eduardo Galeano, l’un des pus grands écrivains d’Amérique Latine: son village natal de Pau Grande s’appelle dorénavant Garrincha. Parmi toutes les raisons qu’il a donné à la postérité de le retenir dans sa mémoire, même les plusieurs accidents de la route dont il est responsable, dont l’un qui a tué la mère de la chanteuse Elza Soares, sa maîtresse d’alors, n’auront pas marqué l’amoureux de football autant que son fameux crochet vers la droite. Gracieux et extrêmement vif, le crochet sera sa marque de fabrique la plus tenace, connue de tous les défenseurs du monde et pourtant, toujours couronnée de succès en match.

 

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Fernando REDONDO, La "Redondo"

 

- Un grand pont effectué grâce à une talonnade faite dos à l’adversaire. En quart de finale de la Ligue des champions en 2000, le Real Madrid affronte Manchester United à Old Trafford. À la 52ème minute, l’Argentin du Real déborde côté gauche et réalise ce dribble face au norvégien Henning Berg. Après avoir effacé le défenseur, il adresse une passe décisive à Raul. Après le match, les médias anglais ont nommé ce geste "The backheel of Old Trafford". Où comment rentrer dans l'histoire avec classe.

 

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Mais aussi: la passe aveugle de Belloumi, la "Foquinha" de Kerlon, la roulette de Zidane, le "Jay-Jay" d'Okocha, "l'Espaldinha" de Ronaldinho...



02/05/2015
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